MIGROS MAGAZIN     jeudi, 27 juin 2013

  

«Une punition n'a jamais aidé un enfant à grandir»


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L’éducation autrement, en remplaçant l’autorité par l’attachement! C’est ce que propose Isabelle Filliozat, psychologue-psychothérapeute française. Qui sort un livre pour aider les parents à comprendre ce qui se passe dans la tête des enfants. Renversant.

  

  

Il sort chaque année des dizaines de livres sur l’éducation des enfants, pourquoi un de plus?

La plupart des ouvrages sont des manuels qui donnent des conseils d’éducation. Là, vous n’en trouverez pas. C’est un livre destiné à mieux comprendre ce qui se déroule dans la tête de l’enfant, et je l’ai voulu le plus objectif possible. Nous avons acquis aujourd’hui, grâce aux neurosciences et à l’imagerie médicale, des connaissances sur ce qui se passe dans le cerveau humain. Cela éclaire d’un jour nouveau notre rapport à l’enfant. On ne peut plus faire comme si on ne savait pas.

  

Vous dites en préambule qu’un enfant, c’est plus complexe qu’une plante verte, mais pas plus compliqué…

Oui, parce qu’en fait c’est un être vivant, qui réagit à son environnement! S’il fait quelque chose qui ne va pas, c’est en réaction à un contexte et non pas une impulsion qui viendrait seulement de l’intérieur de lui-même.

  

A vous lire, on a le sentiment que ce ne sont pas tant les enfants qu’il faut éduquer, mais les parents…

C’est le but de ce livre! Pour que les parents puissent éduquer leurs enfants, il faut qu’eux-mêmes le soient. Or nous fonctionnons selon des croyances, nous sommes en rébellion par rapport à l’éducation que nous avons reçue, mais sans savoir pourquoi. Aujourd’hui, nous savons par exemple que donner un ordre à un enfant ne s’adresse pas à la même partie de son cerveau que quand on lui permet de réfléchir. Si on lui propose des choix, en revanche, cela mobilise son cerveau frontal, celui qui trie, contrôle, décide, et il ne réagit plus de manière automatique. Autrefois, les psychologues disaient que plus vous donniez des injonctions, moins l’enfant serait responsable. C’était une constatation empirique. Aujourd’hui, on sait que c’est vrai, cela se vérifie physiologiquement.

  

Il ne faudrait donc jamais dire «finis ta soupe!» ou «mets tes bottes!»...

On peut le dire, mais il faut savoir que, suivant l’âge de l’enfant, il va se bloquer. Si je dis «mets tes bottes» à un enfant de 6 ans, ça ne posera pas de problème. Mais si je m’adresse à un enfant de 2 ans, il va forcément se rebeller et ne pourra plus mettre ses bottes, même s’il en avait envie. Parce que s’il les met suite à cette injonction, c’est comme s’il n’existait pas lui-même, n’ayant pas pu brancher son cerveau frontal. Alors qu’en lui donnant une alternative, comme «tu préfères enfiler d’abord les bottes ou le manteau?» ou en lui montrant le temps qu’il fait dehors, l’enfant arrivera tout seul à la déduction.

  

Par rapport à des règles de sécurité, on est parfois obligé de donner des injonctions comme «ne t’élance pas sur la route!»…

Non, c’est très dangereux. Les injonctions négatives ne sont pas perçues par le cerveau de l’enfant. Nous avons tous constaté que quand on dit à un petit de ne pas faire quelque chose, il nous regarde avec un sourire et le fait quand même. Pourquoi? Pas par défi, mais parce que son cerveau est incapable de comprendre la négation et traite l’information comme un ordre. Et donc il le fait. Au lieu de formuler les consignes en négatif, mieux vaut les formuler en positif, comme «tu restes sur le trottoir».

  

Et les caprices du petit enfant. D’après vous, ils n’en sont pas, expliquez-nous…

Lorsque l’enfant veut continuer à regarder la télévision et qu’il hurle quand on éteint le poste, ce n’est pas un caprice, mais une réaction de son cerveau. Pourquoi? Parce que, devant l’écran, son cerveau produit des ondes alpha, calmantes, et des molécules du plaisir, la dopamine. Lorsque l’écran s’éteint, la chute brutale de ces peptides opioïdes provoque une véritable décharge de douleur dans son cerveau. Voilà pourquoi il est inutile alors de culpabiliser l’enfant. Mieux vaut le prendre dans ses bras, ce qui va le recharger en ocytocines, hormones de la confiance et de l’amour.

  

Quelles sont les erreurs éducatives les plus courantes des parents?

Beaucoup de parents croient qu’ils doivent avoir le pouvoir sur leur progéniture. Mais les rapports de domination ne sont épanouissants ni pour les parents ni pour les enfants. Dans certaines familles, on crie, on punit tous les jours, c’est un enfer! Tout le temps qu’on passe à se battre, on ne le passe pas à avoir du plaisir et à s’aimer. Je fais partie de ceux qui soutiennent la parentalité positive, qui privilégie l’attachement, le bonheur de vivre ensemble.

  

Mais ne pas mettre de limites, n’est-ce pas prendre le risque de créer des enfants-rois?

J’ai été élevée comme ça et je ne me sens pas enfant-reine! J’ai un profond respect des lois et de l’éthique, mes deux enfants aussi.

  

Pensez-vous vraiment que l’on peut se faire obéir sans punir et sans crier?

Ah, mais je ne cherche pas à ce que les enfants obéissent. On peut vivre avec des enfants, qui soient à la fois heureux et respectueux des règles! Souvent la punition n’a pas de lien direct avec le problème, et n’est qu’une manière pour le parent de récupérer de l’autorité quand il se sent impuissant. On sait que les punitions sont inefficaces, puisqu’il faut toujours en refaire.

  

Plus besoin d’inculquer la peur du gendarme…

Tout dépend de la société que l’on veut. Moi, je vise une société où les gens sont responsables. Je me souviens d’une amnistie à Paris, lors d’une élection présidentielle. Tous les procès-verbaux étaient supprimés une semaine avant et une semaine après. Du coup, les gens ont commencé à se parquer n’importe où et évidemment il y a eu deux morts, parce qu’une ambulance n’a pas pu arriver à temps. Je me suis dit: les Français ne fonctionnent que par la peur du gendarme. Voilà pourquoi je pense qu’il est plus important d’enseigner aux enfants l’autodiscipline.

  

Faut-il légalement interdire la fessée, comme en Suède?

En France, 85% des parents frappent leurs enfants. Alors, oui.

  

Mais cette loi n’est-elle pas excessive?

Quand on a édicté une loi qui interdisait aux hommes de frapper une femme, on disait déjà que cette loi allait trop loin. Aujourd’hui, des mots comme ça nous paraissent aberrants! La loi actuelle interdit de frapper qui que ce soit et n’autorise donc pas le châtiment corporel, mais il y a une tolérance. On oublie que l’enfant est un humain, qu’il n’est pas mauvais dans son essence, qu’il n’a pas besoin d’être corrigé.

  

Comment expliquez-vous le fait que, malgré une éducation de plus en plus compréhensive, la violence chez les jeunes ne cesse d’augmenter?

Le monde a changé. Les parents travaillent beaucoup, le stress est majeur, il y a du bruit partout, on est saturé de stimulations auditives et visuelles. Et on mange plus de sucre que jamais! Or, c’est une réalité, le sucre, de même que les additifs alimentaires, augmentent les comportements violents, comme l’a montré une étude parue dans la revue médicale The Lancet. On fait croire aux parents que c’est parce qu’ils sont moins autoritaires que la violence des jeunes augmente. Mais ça n’a rien à voir! Nous vivons dans un monde d’une violence terrifiante, où les banques ont le pouvoir sur les humains.

  

Finalement, est-ce plus difficile d’élever un enfant aujourd’hui qu’hier?

Oui. Mais ce ne sont pas les enfants qui ont changé, mais leur environnement. Autrefois, les enfants mouraient davantage, certes, mais aujourd’hui, ils sont confrontés à de nouveaux dangers. Le contexte étant plus dif­ficile, les enfants ont parfois plus de mal et manifestent davantage de colères. Cela dit, face à cette société hyperstimulante, je trouve qu’ils s’adaptent incroyablement bien.

  

Je vise une société où les gens sont responsables.

 

Publié dans l'édition MM °1
Auteur - Patricia Brambilla

Photographe - Stéphanie Tétu

 

Isabelle Filliozat donnera une conférence le 23 janvier à Crêt-Bérard (VD) à Lausanne. Plus d'infos sur www.fillozat.net

 

Publication récente d'Isabelle Fliiozat

J’ai tout essayé! Opposition, pleurs et crises de rage: traverser sans dommage la période de 1 à 5 ans, Ed. JCLattès, 2011.

 

Bio express

Isabelle Filliozat

1957 : naissance à Paris d'un père psychologue et d'une mère psychanalyste.

1982 : s'installe comme psychologue-psychothérapeute

1997 : publie aux Ed. JClattès un livre qui est devenu un best-seller, L'intelligence du cœur.

2006 : fonde l'Ecole des intelligences relationnelles et émotionelles à Aix-en-Provence.

2008 : publie son livre-clé, Il n'y a pas de parent parfait aux Ed. JClattes, qui se penche sur la blessure d'être parent, les schémas que nous reproduisons.

Isabelle Filliozat a deux enfants: Margot, 18 ans et Adrien, 16 ans.






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Dominique [Invité(e)]

Ecrit le
28 janvier 2012

Je suis assez d'accord avec tout ça mais ça me parait quand même un tout petit peu tout beau tout rose....Les enfants sont bons dans leur essence, cela sous-entend efficacement que les parents ne gèrent pas l'impact qu'à la socété sur leurs enfants ! Donc les coupables sont les parents. Lisez l'article qui parle "de la gifle à la Ritaline". C'est beaucoup moins gai que la vision de madame filliozat.
Dommage que le titre du livre ne soit pas divulgué j'aurai quand même été interessé à le lire.
Je suis d'accord que l'éducation d'aujourd'hui n'est pas adaptée, cela se ressent dans n'importe quel environnement social. Il n'empêche que l'on ne peut pas passer d'un schéma éducatif à un autre d'un coup sans qu'il y ait de mise à niveau. C'est bien que des gens présente leurs opinions mais nous sommes encore loin du schéma éducatif parfait. Le totalitarisme des idées n'a jamais emmené les gens bien loin. L'ouverture en revanche...

 

MM Rédaction Online

Ecrit le
5 février 2013

Bonjour et merci pour votre commentaire.
Vous trouverez les références du livre "J'ai tout essayé" à droite de l'article.
Meilleures saluations

 

ANN LARLOV [Invité(e)]

Ecrit le
28 janvier 2012

Bravo pour cet article, la société à toujours été dure cependant, et en tout temps, les parents sont peut être plus ''stressés''parce qu 'ils travaillent? et que dites vous du temps pas si lointain où la pillule n'exsistait pas et que les mères ayant 3,5,8,ou plus d'enfants et qui n 'étaient pas équipées matérielement pour les tâches ménagères , et de l'alimentation qui ressortait très ''sous alimentée'' pour les plus pauvres.?... le monde n'a pas changé ,les humains non plus,... Certains ont juste la ''chance'' d'avoir un niveau de conscience plus éveillé... certains veulent prôner l'amour , la tolérance et l'empathie... Les enfants ont toujours montré la voie, ils sont notre miroir, ils sont les anges qui tirent leurs flêches vers le futur....

 

Veronique TAÏS [Invité(e)]

Ecrit le
20 janvier 2012

En France, lorsqu'un adulte frappe un autre adulte...
cela s'appelle AGRESSION
Quand c'est un animal...
cela s'appelle CRUAUTE
Mais quand c'est un enfant......
cela s'appelle l'EDUCATION...???????....!!!!!!

 

Georges Tafelmacher [Invité(e)]

Ecrit le
18 janvier 2012

Cela fait plus de vingt ans que je lutte contre l'éducation par l'autorité, les punitions et les injonctions. Cela fait plus de vingt ans que je prône l'éducation par la compréhension, le respect, l'amour et la paix et que je dois subir les reproches de ces "ayatollahs" de la limite, de la règle, des châtiments et les contraintes.
Je remercie donc la rédaction du MM pour son courage de publier cette vision autre de l'éducation contrastant avec l'article sur les «enfants-roi» où on laissait entendre que l'enfant-roi était le produit d'une éducation dite «laxiste» et qu'il fallait poser de sévères règles et limites pour contrer ce phénomène !
Comme preuve de la justesse de la position «politiquement incorrecte» de Mme. Isabelle Filliozat, depuis que nous avons éduqué nos enfants selon ses idées révolutionnaires, ils sont devenus des adultes responsables, indépendants et heureux de vivre !!

 

Plume Bleue [Invité(e)]

Ecrit le
17 janvier 2012

Il ne faut pas jouer l'autorité contre l'explication, mais associé les deux. Cette brave dame assure son travail à long terme. Je ne vois pas comment un enfant très peu frustré à qui on ne dis jamais non peut faire face dans la société qui l'attend et sur quelles resources internes, il va pouvoir s'appuyer.

 

Patrick CHERPILLOD [Invité(e)]

Ecrit le
11 janvier 2012

Un jour à midi, ma belle fille vient me raconter et me montrer le bleu qu'elle s'était faite à la gym en matinée... l'après-midi une infirmière transmet le cas à la protection de la jeunesse, comme si je l'avais tapée, alors que je ne l'avais jamais tapée... Mais la gentille petite, sans doute en charge de revanche pour deux ou trois bonnes engueulades administrée par mes soins, dans les semaines précédentes, à répondu à la non moins charmante infirmière, que je l'avais frapée... et me suis retrouvé le landemain matin, sans avoir fait quoi que ce soit, au poste de police et questionné pendant 3 heures... alors que je devais m'occuper de mon entreprise... Pour un oui ou un non, une infirmière, sans connaître la vérité et sans m'avoir convoqué en premier lieu à l'école dans le but d'entendre ma version... sans autre elle à cru l'enfant, alors que celle-ci à toujours étés très agressive envers sa mère et les autres personnnes de son entourage... sauf avec ses copines, bien entendu...
Cette loi actuelle ouvre la porte au tout grand n'importe quoi, et permet des actions - par des infirmières trop frustrées - bien trop grâves pour que l'on laisse faire. Si la police ne m'avait pas cru, en tout cas en partie, j'aurais bien pu rester emprisonné 3 jours ou plus, pour quelque chose que je n'avais pas fait... et cela c'est innadmissible !

 

Patrick Cherpillod [Invité(e)]

Ecrit le
11 janvier 2012

Ne venez pas nous raconter que la violence ou l'exclusivité de certains, proviens du changement radical de notre société. Lorsque je parque ma voiture, je ne sais actuellemet jamais, si je vais pouvoir y rentrer à mon retour... Pendant de longues années, tous les automobilistes fesaient attention à se parquer correctement, et il y avait déjà beaucoup de voitures. Aujourd'hui, tous ces gens mal éduqués et centrés sur eux-même arrivent dans une place de parking et posent leur véhicule comme ils sont arrivés, en biais et collé contre la voiture voisine, tant qu'eux-même ils n'ont pas de problème pour sortir de leur véhicule...! Ce phénomène parmis d'autres, à commencé peut de temps après que la correction corporelle soit interdite en Suisse... étonamment... Résultat : il n'y a jamais eu de gens si indéférents aux autres, qu'aujourd'huis. Ce qui signifie, que bien des claques se sont perdues au fil des ans... la claque ou le coup de pieds nous faisaient réagir...

 

Patrick Cherpillod [Invité(e)]

Ecrit le
11 janvier 2012

Imaginez le futur pour un enfant...? Qui n'aura jamais reçu la moindre tape de sa vie, comment va-t-il gérer l'année de ses 25 ans, lorsqu'il recevra un coup sur le nez, qui le fera saigner, par une tièrece personne, qui n'a elle, aucune sensibilité ou même type d'éducation... Quel va être grand(e) son désaroi, son incompréhension et sa frustration qui en découlera. La vie est dure, et la claque éducative, nous mets les points sur les i pour nous l'apprendre, pour nous imposer des limites et nous n'en mourons pas... Il est totalement faux d'avoir voulu assimiler la claque éducative avec la claque conflictuelle. Maintenant, c'est au parents de décider quelle type d'éducation ils veulent pour leurs enfants et à eu aussi de savoir quels sont les risques et les danger, leurs limites. La claque éducative, ne doit s'imposer que dans les situations extrèmes ou l'enfant à la longue, ne veut pas changer son comportement. Aujourd'hui les adultes ne sont pas du tout responsabilisés... des forces mal intentionnées obligent les gens à se plier à des règles que l'on ne devrait pas leur imposer. Avant il y avait déjà des lois, qui punissaient les parent qui utilisaient la claque conflictuelle, lorsque l'enfant avait des ématomes, car on ne doit jamais blesser un enfant pour l'éduquer. De toute manière, il ne sera jamais possible d'éviter certains drames (il n'y en avait pas beaucoup entre les années 60 et 70), alors que la claque était permise, ils étaient responsabilisés face à leur vie...

 

Manuela Marti [Invité(e)]

Ecrit le
11 janvier 2012

C'est une façon de voir les choses mais regardons la société constituée de jeunes à qui on n'a plus osé dire non et regardons un peu les dégâts qu'ils font ! Dire non et réprimander quand il y a débordement apprend que dans la vie il y a des limites à ne pas franchir et des frustrations. Si on n'apprend pas à un enfant les frustrations, merci la claque qu'il prend quand il s'y trouve confronté. Et ne croyez pas que le cerveau d'un petit de 2-3 ans ne peut enregistrer la frustration, ils sont bien plus malins que vous ne le pensez. Je prône la valorisation d'un bon comportement, ce qui aide l'enfant à discerner le bien du mal.

 

Valérie Monnin [Invité(e)]

Ecrit le
10 janvier 2012

Merci, cela fait du bien de voir confirmer ce que l'on pense et essaie d'appliquer jour après jour !

 

Jean Burkhard [Invité(e)]

Ecrit le
6 janvier 2012

Moi, enfant, j'ai dû apprendre à surmonter certaines frustrations et cela me rend encore service aujourd'hui.

 

Marie Maillard [Invité(e)]

Ecrit le
03 janvier 2012

Certaines mamans l'avaient déjà compris !

 

 

Migros Magazin le 3 janvier 2012

 

  



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